La vie très horrificque du grand Gargantua,
père de Pantagruel.
Jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de Quinte Essence.
Livre plein de Pantagruelisme.
père de Pantagruel.
Jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de Quinte Essence.
Livre plein de Pantagruelisme.
Chapitre 3
Comment Gargantua fut porté onze mois
au ventre de sa mère
Grandgousier était
en son temps un fier luron, aimant boire sec aussi bien qu'homme qui fût
alors au monde, et il mangeait volontiers salé. A
cette fin, il avait d'ordinaire une bonne réserve de jambons de
Mayence et de Bayonne, force langues de bœuf fumées, des andouilles en
abondance, quand c'était la saison, du bœuf salé à la
moutarde, une quantité de boutargues, une provision de saucisses,
non pas de Bologne, car il redoutait le bouillon du Lombard, mais de Bigorre, de Longaulnay, de la Brenne et du
Rouergue.
A l'âge d'homme, il
épousa Gargamelle, fille du roi des Papillons, un beau brin de fille de
bonne trogne, et souvent, tous les deux, ils faisaient
ensemble la bête à deux dos, se frottant joyeusement leur lard,
tellement qu'elle se trouva grosse d'un beau fils qu'elle porta jusqu'au
onzième mois.
Chapitre 6
Comment Gargantua naquit d'une façon bien étrange
Peu de temps après, elle commença à soupirer, à se lamenter et à crier. (…)
Par suite de cet
accident, les cotylédons de la matrice se relâchèrent au-dessus, et
l'enfant les traversa d'un saut; il entra dans la veine
creuse et, grimpant à travers le diaphragme jusqu'au-dessus des
épaules, à l'endroit où la veine en question se partage en deux, il prit
son chemin à gauche et sortit par l'oreille de ce même
côté.
Sitôt qu'il fut né,
il ne cria pas comme les autres enfants: "Mie! mie!", mais il s'écriait
à haute voix: "A boire! à boire! à boire!" comme s'il
avait invité tout le monde à boire, si bien qu'on l'entendit par
tout le pays de Busse et de Biberais.
Portrait de Grandgousier
Grandgousier était en son temps un fier luron,
aimant boire sec aussi bien qu'homme qui fût alors au monde, et il
mangeait volontiers salé. A cette fin, il avait d'ordinaire une bonne réserve de
jambons …
Relier les mots ou groupes de mots avec une fonction:
Mots ou expressions | Fonctions | |
Grandgousier
|
COD | |
Fier luron
|
Sujet | |
bonne réserve de jambon | Attribut du sujet |
Donnez deux habitudes de Grandgousier.
Quels sont les premiers mots prononcés par Gargantua? En quoi ressemble-t-il à ses parents?
Quelle figure de style est employée dans la deuxième phrase? Que met-elle en avant?
Quels héros grecs ont connu eux aussi une naissance merveilleuse?
Chapitre 21
L'étude de Gargantua selon les règles de ses précepteurs sophistes
Il employait donc
son temps de telle sorte: il s'éveillait d'ordinaire entre huit et neuf
heures, qu'il fasse jour ou non. C'est ce qu'avaient
ordonné ses anciens précepteurs alléguant les paroles de David:
C'est vanité que de vous lever avant la lumière.
Puis il gambadait,
sautillait, se vautrait sur la paillasse un bon moment pour mieux
ragaillardir ses esprits animaux; et il s'habillait selon la
saison, mais portait volontiers une grande et longue robe de
grosse laine grège, fourrée de renard. Après, il se peignait avec le
peigne d'Almain, c'est-à-dire avec les quatre doigts et le
pouce, car ses précepteurs disaient que se peigner, se laver et se
nettoyer de toute autre façon revenait à perdre son temps en ce monde.
Puis il fientait,
pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait,
toussait, sanglotait, éternuait, se mouchait en archidiacre
et, pour abattre la rosée et le mauvais air, il déjeunait de
belles tripes frites, de belles grillades, de beaux jambons, de belles
pièces de chevreau et de force tartines matutinales.
(…)
Après avoir déjeuné
bien comme il faut, il allait à l'église et on lui apportait dans un
grand panier un gros bréviaire emmitouflé, pesant tant en
graisse qu'en fermoirs et parchemins, onze quintaux six livres, à
peu de chose près. Là, il entendait vingt-six ou trente messes. A ce
moment-là, venait son diseur d'heures en titre,
encapuchonné comme une huppe, ayant bien immunisé son haleine à
coups de sirop de vigne. Il marmonnait avec lui toutes ces kyrielles et
les épluchait si soigneusement que pas un seul grain n'en
tombait à terre.
Au sortir de
l'église, on lui apportait sur un fardier à bœufs un tas de chapelets de
Saint-Claude, dont chaque grain était gros comme le moule
d'un bonnet; et en se promenant à travers les cloîtres, les
galeries et le jardin, il en disait plus que seize ermites.
Puis il étudiait
pendant une méchante demi-heure, les yeux assis sur le livre mais, comme
dit le Comique, son âme était à la cuisine.
Chapitre 23
Comment Gargantua fut éduqué par Ponocrates selon une méthode telle qu'il ne perdait pas une heure de la journée
Gargantua
s'éveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu'on le
frictionnait, on lui lisait quelque page des saintes Ecritures, à voix
haute et claire, avec la prononciation requise. Cet office était
dévolu à un jeune page natif de Basché, nommé Anagnostes. Suivant le
thème et le sujet du passage, bien souvent, il s'appliquait
à révérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu dont la majesté
et les merveilleux jugements apparaissaient à la lecture.
Puis il allait aux
lieux secrets excréter le produit des digestions naturelles. Là, son
précepteur répétait ce qu'on avait lu et lui expliquait
les passages les plus obscurs et les plus difficiles.
En revenant, ils
considéraient l'état du ciel, regardant s'il était comme ils l'avaient
remarqué la veille au soir et en quels signes entrait le
soleil, et aussi la lune, ce jour-là.
Cela fait, il était
habillé, peigné, coiffé, apprêté et parfumé et, pendant ce temps, on
lui répétait les leçons de la veille. Lui-même les
récitait par cœur et y appliquait des exemples pratiques
concernant la condition humaine; ils poursuivaient quelquefois ce propos
pendant deux ou trois heures, mais d'habitude ils s'arrêtaient
quand il était complètement habillé.
Ensuite, pendant
trois bonnes heures, on lui faisait la lecture. Cela fait, ils
sortaient, toujours en discutant du sujet de la lecture, et
allaient faire du sport au Grand Braque ou dans les prés; ils
jouaient à la balle, à la paume, au ballon à trois, s'exerçant
élégamment les corps, comme ils s'étaient auparavant exercé les
âmes.
Tous leurs jeux
n'étaient que liberté, car ils abandonnaient la partie quand il leur
plaisait et ils s'arrêtaient en général quand la sueur leur
coulait par le corps ou qu'ils ressentaient autrement la fatigue.
Ils étaient alors très bien essuyés et frottés, ils changeaient de
chemise et allaient voir si le repas était prêt, en se
promenant doucement. Là, en attendant, ils récitaient à voix
claire et en belle élocution quelques formules retenues de la leçon.
Cependant, Monsieur l'Appétit venait et c'était juste au bon moment qu'ils s'asseyaient à table.
Au début du repas, on lisait quelque plaisante histoire des gestes anciennes, jusqu'à ce qu'il eût pris son vin.
Alors, si on le
jugeait bon, on poursuivait la lecture, ou ils commençaient à deviser
ensemble, joyeusement, parlant pendant les premiers mois des
vertus et propriétés, de l'efficacité et de la nature de tout ce
qui leur était servi à table: du pain, du vin, de l'eau, du sel, des
viandes, des poissons, des fruits, des herbes, des racines
et de leur préparation. Ce faisant, Gargantua apprit en peu de
temps tous les passages relatifs à ce sujet dans Pline, Athénée,
Dioscorides, Julius Pollux, Galien, Porphyre, Oppien, Polybe,
Héliodore, Aristote, Elien et d'autres. Sur de tels propos, ils
faisaient souvent, pour plus de sûreté, apporter à table les livres
cités plus haut. Gargantua retint si bien et si intégralement
les propos tenus, qu'il n'y avait pas alors un seul médecin qui
sût la moitié de ce qu'il avait retenu.
Après, ils
parlaient des leçons lues dans la matinée et, terminant le repas par
quelque confiture de coings, il se curait les dents avec un brin
de lentisque, se lavait les mains et les yeux de belle eau
fraîche, et tous rendaient grâce à Dieu par quelques beaux cantiques à
la louange de la munificence et de la bonté divines. Sur ce, on
apportait des cartes, non pas pour jouer, mais pour apprendre
mille petits amusements et inventions nouvelles qui relevaient tous de
l'arithmétique.
Par ce biais, il
prit goût à cette science des nombres et, tous les jours, après le dîner
et le souper, il y passait son temps avec autant de
plaisir qu'il pouvait en prendre aux dés et aux cartes. Il en
connut si bien la théorie et la pratique que Tunstal l'Anglais, qui
avait écrit d'abondance sur le sujet, confessa que, comparé à
Gargantua, il n'y comprenait que le haut-allemand.
Et non seulement il
prit goût à cette discipline, mais aussi aux autres sciences
mathématiques, comme la géométrie, l'astronomie et la musique;
car en attendant la digestion et l'assimilation de son repas, ils
faisaient mille joyeux instruments et figures de géométrie et, de même,
ils vérifiaient les lois astronomiques.
Comparer les deux éducations de Gargantua:
Critères | Première éducation
Chapitre 21 |
Seconde éducation
Chapitre 23 |
Nom du professeur ou précepteur | ||
Temps consacré à l'étude | ||
Matières étudiées
|
||
Appel au par cœur
|
||
Appel à l'attention
|
||
Appel à la réflexion
|
||
Appel à l'observation
|
||
Place accordée au corps | ||
Education la plus enrichissante | ||
Education la plus ennuyeuse | ||
Education humaniste |
La langue de Rabelais
Comment Rabelais s'y prend-il pour faire rire?
"Puis il
fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait,
crachait, toussait, sanglotait, éternuait, se mouchait en
archidiacre…" Les détails triviaux sont-ils seulement là pour nous faire rire (l.11-12)? De quoi font-ils la critique?
"Après avoir
déjeuné bien comme il faut, il allait à l'église et on lui apportait
dans un grand panier un gros bréviaire emmitouflé, pesant
tant en graisse qu'en fermoirs et parchemins, onze quintaux six
livres, à peu de chose près. Là, il entendait vingt-six ou trente messes." Que nous rappellent les chiffres à propos de
Gargantua? Que nous donnent-ils à penser de son éducation?
Le ton est-il toujours le même dans les lignes suivantes? Justifiez vote réponse. "Puis
il allait aux lieux secrets excréter le
produit des digestions naturelles. Là, son précepteur répétait ce
qu'on avait lu et lui expliquait les passages les plus obscurs et les
plus difficiles".
Vocabulaire:
"Il est vain de vouloir vous lever avant le jour". Recopiez cette phrase en remplaçant vain par un synonyme.
Dans les lignes 1 à 4, quel nom désigne les professeurs de Gargantua?
CHAPITRE 33
Comment certains gouverneurs de Picrochole, par leur précipitation, le mirent au dernier péril
Les fouaces
dérobées, comparurent devant Picrochole le duc de Menuail, le comte
Spadassin et le capitaine Merdaille, qui lui dirent: "Sire,
aujourd'hui nous faisons de vous le prince le plus valeureux et le
plus chevaleresque qui ait jamais été depuis la mort d'Alexandre de
Macédoine.
- Couvrez-vous, couvrez-vous, dit Picrochole.
- Grand merci,
dirent-ils, Sire, nous ne faisons que notre devoir. Voici ce que nous
proposons: Vous laisserez ici quelque capitaine en garnison
avec une petite troupe de gens pour garder la place qui nous
semble assez forte, tant par nature que grâce aux remparts dus à votre
ingéniosité. Vous diviserez votre armée en deux, comme bien
vous comprenez. Une partie ira se ruer sur ce Grandgousier et ses
gens et il sera, au premier assaut, facilement mis en déroute. Là, vous
récupérerez de l'argent en masse, car le vilain a de
quoi. Nous disons vilain parce qu'un noble prince n'a jamais un
sou. Thésauriser, c'est bon pour un vilain.
"Pendant ce temps,
l'autre partie tirera vers l'Aunis, la Saintonge, l'Angoumois et la
Gascogne et aussi vers le Périgord, le Médoc et les Landes.
Sans rencontrer nulle résistance, ils prendront villes, châteaux
et forteresses. A Bayonne, à Saint-Jean-de-Luz et à Fontarabie, vous
saisirez tous les navires et, en côtoyant la Galice et le
Portugal, vous pillerez toutes les contrées maritimes jusqu'à
Lisbonne où vous aurez en renfort tout l'équipage qu'il faut à un
conquérant. (…)
Et vous attaquerez les royaumes de Tunis, de Bizerte, d'Alger, de Bône, de Cyrène et toute la Barbarie, hardiment. (…)
- Mais, dit-il, que fait pendant ce temps la moitié de notre armée qui déconfit ce vilain, ce poivrot de Grandgousier?
- Ils ne chôment
pas, dirent-ils, nous allons bientôt les rencontrer. Ils vous ont pris
la Bretagne, la Normandie, les Flandres, le Hainaut, le
Brabant, l'Artois, la Hollande, la Zélande. Ils ont passé le Rhin
sur le ventre des Suisses et des Lansquenets. Une partie d'entre eux a
soumis le Luxembourg, la Lorraine, la Champagne et la
Savoie jusqu'à Lyon. Là, ils ont retrouvé vos garnisons, de retour
des conquêtes navales en Méditerranée (…) De là, naviguant sur la
Baltique et la mer des Sarmates, ils ont vaincu et dominé la
Prusse, la Pologne, la Lituanie, la Russie, la Valachie, la
Transylvanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Turquie et les voilà à
Constantinople.
Alors Echéphron dit
:"Et si par hasard vous n'en reveniez jamais? Le voyage est long et
périlleux: n'est-ce pas mieux de se reposer dès à présent,
sans nous exposer à ces dangers?
- Oh! dit
Spadassin, pardieu, voilà un bel idiot! Allons-nous cacher au coin de la
cheminée et passons-y notre temps et notre vie avec les dames,
à enfiler des perles(…)
- Sus! sus! dit Picrochole, qu'on mette tout en train et qui m'aime me suive!"
Comprendre
Montrer en quoi Picrochole est un voisin belliqueux.
A quels détails voit-on que les conseillers flattent Picrochole? Reposer-vous sur des superlatifs et une référence historique.
Analyser
Analyser la construction des phrases dans les lignes de "Pendant ce temps, l'autre partie tirera vers l'Aunis à "De
là,
naviguant sur la Baltique et la mer des Sarmates, ils ont vaincu
et dominé la Prusse, la Pologne, la Lituanie, la Russie, la Valachie, la
Transylvanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Turquie et
les voilà à Constantinople". Quel est l'effet produit?
Interpréter:
Quels défauts caractérisent Picrochole?
En quoi Grandgousier et Picrochole s'opposent-ils?
Chapitre 27
Comment un moine de Seuilly sauva le clos de l'abbaye du sac des ennemis
Celui-ci, entendant
le bruit que faisaient les ennemis à travers le clos de leur vigne,
sortit pour voir ce qu'ils faisaient. En s'apercevant
qu'ils vendangeaient leur clos sur lequel reposait leur boisson
pour toute l'année, il s'en retourne au chœur de l'église où se
trouvaient les autres moines, tout abasourdis comme fondeurs de
cloches, et voyant qu'ils chantaient:"Ini - nim - pe - ne - ne -
ne - ne - ne - ne - tum - ne - num - num - ini - i - mi - i - mi - co - o
- ne - no - o - o - ne - no - ne - no - no - no - rum
- ne - num - num...
- C'est, dit-il, bien chien chanté! Vertu Dieu, que ne chantez-vous:
Adieu paniers, vendanges sont faites?
"Je me donne au
diable s'ils ne sont pas dans notre clos à couper si bien ceps et
raisins que, par le corps Dieu, il n'y aura de quatre années
rien à grappiller dedans. Ventre saint Jacques, que boirons-nous
pendant ce temps-là, nous autres pauvres diables? Seigneur Dieu,
donnez-nous notre vin quotidien!"
Alors le prieur
claustral dit: "Que peut bien faire cet ivrogne ici? Qu'on me le mène au
cachot. Troubler ainsi le service divin!
- Oui, mais le service du vin, dit le moine, faisons en sorte qu'il ne soit pas troublé(…)
"Ecoutez, Messieurs, vous autres qui aimez le vin. Par le corps Dieu, suivez-moi!
(…)
Ce disant, il mit
bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur
de cormier, long comme une lance, remplissant bien la
main et quelque peu semé de fleurs de lys, presque toutes
effacées. Il sortit ainsi, en beau sarrau, mit son froc en écharpe et,
avec son bâton de croix, frappa si brutalement sur les ennemis
qui vendangeaient à travers le clos, sans ordre, sans enseigne,
sans trompette ni tambour: car les porte-drapeau et les porte-enseigne
avaient laissé leurs drapeaux et leurs enseignes le long
des murs, les tambours avaient défoncé leurs caisses d'un côté
pour les emplir de raisins, les trompettes étaient chargés de pampres,
c'était la débandade; il les cogna donc si roidement, sans
crier gare, qu'il les culbutait comme porcs, en frappant à tort et
à travers, comme les anciens s'escrimaient.
Aux uns, il
écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à
d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il
disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait
les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les
omoplates, meurtrissait les jambes, déboitait les fémurs,
débezillait les membres. (…)
Et si quelqu'un se
trouvait suffisamment flambant de témérité pour vouloir lui résister en
face, c'est alors qu'il montrait la force de ses
muscles, car il lui transperçait la poitrine à travers le
médiastin et le cœur. A d'autres, qu'il frappait au défaut des côtes, il
retournait l'estomac et ils en mouraient sur-le-champ. A
d'autres, il crevait si violemment le nombril, qu'il leur en
faisait sortir les tripes. A d'autres, il perçait le boyau du cul entre
les couilles. Croyez bien que c'était le plus horrible
spectacle qu'on ait jamais vu.
Comprendre:
Qu'est-ce qui met frère Jean des Entommeures en colère?
Avec quelles armes se bat-il?
En quoi le choix de ces armes est-il comique?
Quel effet le récit de ce combat vous fait-il? Pourquoi?
Analyser:
Relevez, dans le dialogue, les différents éléments comiques: jurons, charabia, jeu de mots, parodie.
Passage: "Aux uns, il écrabouillait la cervelle,…" à " A d'autres, il crevait si violemment le nombril, qu'il leur en faisait sortir les
tripes."
Relevez tous les
termes évoquant une partie du corps: quels éléments de l'anatomie sont
passés en revue? L'ensemble du corps mais surtout
l'appareil gastrique
Parmi ces termes, lesquels appartiennent au domaine médical? Lesquels à un niveau de langue familier?
Quel est l'effet produit par ce mélange?
Comment les différentes propositions de la phrase ("Aux
uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et
jambes, à
d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il
disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les
mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les
omoplates, meurtrissait les jambes, déboitait les fémurs,
débezillait les membres.") s'enchainent-elles?
Quel est l'effet produit sur le rythme du récit?
Interpréter
Quelle sorte de récit guerrier recourt d'ordinaire à ce luxe de détails et à ce rythme?
Ici, en quoi le ton est-il différent?
En quoi frère Jean se distingue-t-il des autres moines?
Quelle critique est ainsi adressée aux moines?
Quels sont les points communs entre frère Jean et Grandgousier?
CHAPITRE 36
Comment Gargantua démolit le château du gué de Vède, et comment ils passèrent le gué
Quand il fut
revenu, il raconta dans quelle situation il avait trouvé les ennemis et
le stratagème qu'il avait employé pour venir, seul, à bout de
toute la troupe, affirmant que ce n'étaient que des marauds, des
pillards et des brigands, ignorants de toute discipline militaire. Il
fallait se mettre en route hardiment, car ce serait très
facile de les assommer comme bestiaux.
Alors Gargantua
monta sur sa grande jument, escorté comme il est dit plus haut, et,
trouvant sur son chemin un arbre grand et haut (on l'appelait
généralement l'arbre de saint Martin, parce que c'est un bourdon
que saint Martin avait planté jadis et qui avait crû de la sorte), il
dit: "Voici ce qu'il me fallait; cet arbre me servira de
bourdon et de lance. "Et il l'arracha de terre facilement, en ôta
les rameaux et le décora pour son plaisir.
Sur ces
entrefaites, sa jument pissa pour se relâcher le ventre, mais ce fut si
copieusement qu'elle en fit sept lieues de déluge. Tout le pissat
descendit au gué de Vede et l'enfla tellement au fil du courant
que toute notre bande d'ennemis fut horriblement noyée, à l'exception de
quelques-uns qui avaient pris le chemin à gauche, vers
les coteaux.
(…)
CHAPITRE 46
Comment Grandgousier traita humainement Toucquedillon prisonnier
Toucquedillon fut
présenté à Grandgousier qui l'interrogea sur les desseins et les menées
de Picrochole et lui demanda à quoi tendait cette
retentissante agression. A cela, il répondit que son but et sa
vocation étaient de conquérir tout le pays, s'il le pouvait, pour prix
de l'injustice faite à ses fouaciers.
"C'est trop
d'ambition, dit Grandgousier: qui trop embrasse mal étreint. Le temps
n'est plus de conquérir ainsi les royaumes en causant du tort à
son prochain, à son frère chrétien. Imiter ainsi Hercule,
Alexandre, Annibal, Scipion, César et autres conquérants antiques est
incompatible avec le fait de professer l'Evangile, qui nous
commande de garder, de sauver, de régir et d'administrer nos
propres terres et non d'envahir celles des autres avec des intentions
belliqueuses; ce que jadis les Sarrasins et les
Barbares
appelaient des prouesses, nous l'appelons maintenant brigandage et
sauvagerie. Picrochole eût mieux fait de rester en ses domaines et de
les gouverner en roi, que de venir faire violence aux
miens et de les piller en ennemi. Bien gouverner les eût enrichis,
me piller les détruira.
"Allez-vous-en, au
nom de Dieu, suivez une bonne voie: faites remarquer à votre roi les
erreurs que vous décèlerez et ne le conseillez jamais en
fonction de votre propre profit, car la perte des biens communs ne
va pas sans celle des biens particuliers. Pour ce qui est de votre
rançon, je vous en fais don entièrement, et à ma volonté on
vous rendra vos armes et votre cheval.
(…)
Chapitre 51
Comment les Gargantuistes vainqueurs furent récompensés après la bataille
En les voyant
arriver, le bonhomme fut si joyeux qu'il serait impossible de le
décrire. Il leur fit alors préparer le festin le plus magnifique,
le plus copieux et le plus délicieux que l'on ait vu depuis le
temps du roi Assuérus. En sortant de table il distribua entre tous la
garniture complète de son buffet; elle pesait un million
huit cent mille quatorze besants d'or en grands vases à l'antique,
grands pots, grands bassins, grandes tasses, coupes, pichets,
candélabres, jattes, nefs, jardinières, drageoirs et autre
vaisselle de même type, toute en or massif, sans parler des
pierreries, émaux et ciselures qui de l'avis de tous avaient plus de
prix que la matière des objets. De plus, il fit compter à chacun
un million deux cent mille écus sonnants et trébuchants, pris à
ses coffres; de surcroît, il donna à chacun d'eux, à titre perpétuel
(sauf s'ils mouraient sans héritiers), des châteaux et des
terres du voisinage selon leur convenance: à Ponocrates il donna
la Roche-Clermault, à Gymnaste Le Coudray, à Eudémon Montpensier, Le
Riveau à Tolmère, à Ithybole Montsoreau, à Acamas Candes,
Varennes à Chironacte, Gravot à Sébaste, Quinquenays à Alexandre,
Ligré à Sophrone et fit de même pour ses autres possessions.
Comment Gargantua fit bâtir pour le moine l'abbaye de Thélème