dimanche 9 juin 2013

Gargantua de François Rabelais


La vie très horrificque du grand Gargantua,
père de Pantagruel.

Jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de Quinte Essence.

Livre plein de Pantagruelisme.



Chapitre 3
Comment Gargantua fut porté onze mois
au ventre de sa mère
Grandgousier était en son temps un fier luron, aimant boire sec aussi bien qu'homme qui fût alors au monde, et il mangeait volontiers salé. A cette fin, il avait d'ordinaire une bonne réserve de jambons de Mayence et de Bayonne, force langues de bœuf fumées, des andouilles en abondance, quand c'était la saison, du bœuf salé à la moutarde, une quantité de boutargues, une provision de saucisses, non pas de Bologne, car il redoutait le bouillon du Lombard, mais de Bigorre, de Longaulnay, de la Brenne et du Rouergue.
A l'âge d'homme, il épousa Gargamelle, fille du roi des Papillons, un beau brin de fille de bonne trogne, et souvent, tous les deux, ils faisaient ensemble la bête à deux dos, se frottant joyeusement leur lard, tellement qu'elle se trouva grosse d'un beau fils qu'elle porta jusqu'au onzième mois.




Chapitre 6
Comment Gargantua naquit d'une façon bien étrange 
Peu de temps après, elle commença à soupirer, à se lamenter et à crier. (…)
Par suite de cet accident, les cotylédons de la matrice se relâchèrent au-dessus, et l'enfant les traversa d'un saut; il entra dans la veine creuse et, grimpant à travers le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules, à l'endroit où la veine en question se partage en deux, il prit son chemin à gauche et sortit par l'oreille de ce même côté.
Sitôt qu'il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants: "Mie! mie!", mais il s'écriait à haute voix: "A boire! à boire! à boire!" comme s'il avait invité tout le monde à boire, si bien qu'on l'entendit par tout le pays de Busse et de Biberais.
 
Portrait de Grandgousier



Grandgousier était en son temps un fier luron, aimant boire sec aussi bien qu'homme qui fût alors au monde, et il mangeait volontiers salé. A cette fin, il avait d'ordinaire une bonne réserve de jambons
 
Relier les mots ou groupes de mots avec une fonction:

 
Mots ou expressions   Fonctions
Grandgousier
 
  COD
Fier luron
 
  Sujet
bonne réserve de jambon   Attribut du sujet
 
Donnez deux habitudes de Grandgousier.
Quels sont les premiers mots prononcés par Gargantua? En quoi ressemble-t-il à ses parents?
Quelle figure de style est employée dans la deuxième phrase? Que met-elle en avant?
Quels héros grecs ont connu eux aussi une naissance merveilleuse?
  
Chapitre 21
L'étude de Gargantua selon les règles de ses précepteurs sophistes
Il employait donc son temps de telle sorte: il s'éveillait d'ordinaire entre huit et neuf heures, qu'il fasse jour ou non. C'est ce qu'avaient ordonné ses anciens précepteurs alléguant les paroles de David: C'est vanité que de vous lever avant la lumière.
Puis il gambadait, sautillait, se vautrait sur la paillasse un bon moment pour mieux ragaillardir ses esprits animaux; et il s'habillait selon la saison, mais portait volontiers une grande et longue robe de grosse laine grège, fourrée de renard. Après, il se peignait avec le peigne d'Almain, c'est-à-dire avec les quatre doigts et le pouce, car ses précepteurs disaient que se peigner, se laver et se nettoyer de toute autre façon revenait à perdre son temps en ce monde.
Puis il fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait, se mouchait en archidiacre et, pour abattre la rosée et le mauvais air, il déjeunait de belles tripes frites, de belles grillades, de beaux jambons, de belles pièces de chevreau et de force tartines matutinales. (…)
Après avoir déjeuné bien comme il faut, il allait à l'église et on lui apportait dans un grand panier un gros bréviaire emmitouflé, pesant tant en graisse qu'en fermoirs et parchemins, onze quintaux six livres, à peu de chose près. Là, il entendait vingt-six ou trente messes. A ce moment-là, venait son diseur d'heures en titre, encapuchonné comme une huppe, ayant bien immunisé son haleine à coups de sirop de vigne. Il marmonnait avec lui toutes ces kyrielles et les épluchait si soigneusement que pas un seul grain n'en tombait à terre.
Au sortir de l'église, on lui apportait sur un fardier à bœufs un tas de chapelets de Saint-Claude, dont chaque grain était gros comme le moule d'un bonnet; et en se promenant à travers les cloîtres, les galeries et le jardin, il en disait plus que seize ermites.
Puis il étudiait pendant une méchante demi-heure, les yeux assis sur le livre mais, comme dit le Comique, son âme était à la cuisine.


 
Chapitre 23
Comment Gargantua fut éduqué par Ponocrates selon une méthode telle qu'il ne perdait pas une heure de la journée
Gargantua s'éveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu'on le frictionnait, on lui lisait quelque page des saintes Ecritures, à voix haute et claire, avec la prononciation requise. Cet office était dévolu à un jeune page natif de Basché, nommé Anagnostes. Suivant le thème et le sujet du passage, bien souvent, il s'appliquait à révérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu dont la majesté et les merveilleux jugements apparaissaient à la lecture.
Puis il allait aux lieux secrets excréter le produit des digestions naturelles. Là, son précepteur répétait ce qu'on avait lu et lui expliquait les passages les plus obscurs et les plus difficiles.
En revenant, ils considéraient l'état du ciel, regardant s'il était comme ils l'avaient remarqué la veille au soir et en quels signes entrait le soleil, et aussi la lune, ce jour-là.
Cela fait, il était habillé, peigné, coiffé, apprêté et parfumé et, pendant ce temps, on lui répétait les leçons de la veille. Lui-même les récitait par cœur et y appliquait des exemples pratiques concernant la condition humaine; ils poursuivaient quelquefois ce propos pendant deux ou trois heures, mais d'habitude ils s'arrêtaient quand il était complètement habillé.
Ensuite, pendant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant du sujet de la lecture, et allaient faire du sport au Grand Braque ou dans les prés; ils jouaient à la balle, à la paume, au ballon à trois, s'exerçant élégamment les corps, comme ils s'étaient auparavant exercé les âmes.
Tous leurs jeux n'étaient que liberté, car ils abandonnaient la partie quand il leur plaisait et ils s'arrêtaient en général quand la sueur leur coulait par le corps ou qu'ils ressentaient autrement la fatigue. Ils étaient alors très bien essuyés et frottés, ils changeaient de chemise et allaient voir si le repas était prêt, en se promenant doucement. Là, en attendant, ils récitaient à voix claire et en belle élocution quelques formules retenues de la leçon.
Cependant, Monsieur l'Appétit venait et c'était juste au bon moment qu'ils s'asseyaient à table.
Au début du repas, on lisait quelque plaisante histoire des gestes anciennes, jusqu'à ce qu'il eût pris son vin.
Alors, si on le jugeait bon, on poursuivait la lecture, ou ils commençaient à deviser ensemble, joyeusement, parlant pendant les premiers mois des vertus et propriétés, de l'efficacité et de la nature de tout ce qui leur était servi à table: du pain, du vin, de l'eau, du sel, des viandes, des poissons, des fruits, des herbes, des racines et de leur préparation. Ce faisant, Gargantua apprit en peu de temps tous les passages relatifs à ce sujet dans Pline, Athénée, Dioscorides, Julius Pollux, Galien, Porphyre, Oppien, Polybe, Héliodore, Aristote, Elien et d'autres. Sur de tels propos, ils faisaient souvent, pour plus de sûreté, apporter à table les livres cités plus haut. Gargantua retint si bien et si intégralement les propos tenus, qu'il n'y avait pas alors un seul médecin qui sût la moitié de ce qu'il avait retenu.
 
Après, ils parlaient des leçons lues dans la matinée et, terminant le repas par quelque confiture de coings, il se curait les dents avec un brin de lentisque, se lavait les mains et les yeux de belle eau fraîche, et tous rendaient grâce à Dieu par quelques beaux cantiques à la louange de la munificence et de la bonté divines. Sur ce, on apportait des cartes, non pas pour jouer, mais pour apprendre mille petits amusements et inventions nouvelles qui relevaient tous de l'arithmétique.
Par ce biais, il prit goût à cette science des nombres et, tous les jours, après le dîner et le souper, il y passait son temps avec autant de plaisir qu'il pouvait en prendre aux dés et aux cartes. Il en connut si bien la théorie et la pratique que Tunstal l'Anglais, qui avait écrit d'abondance sur le sujet, confessa que, comparé à Gargantua, il n'y comprenait que le haut-allemand.
Et non seulement il prit goût à cette discipline, mais aussi aux autres sciences mathématiques, comme la géométrie, l'astronomie et la musique; car en attendant la digestion et l'assimilation de son repas, ils faisaient mille joyeux instruments et figures de géométrie et, de même, ils vérifiaient les lois astronomiques.



Comparer les deux éducations de Gargantua: 
 

 
Critères Première éducation
Chapitre 21
Seconde éducation
Chapitre 23
Nom du professeur ou précepteur    
Temps consacré à l'étude    
Matières étudiées
 
   
Appel au par cœur
 
   
Appel à l'attention
 
   
Appel à la réflexion
 
   
Appel à l'observation
 
   
Place accordée au corps    
Education la plus enrichissante    
Education la plus ennuyeuse    
Education humaniste    
 

La langue de Rabelais
Comment Rabelais s'y prend-il pour faire rire?


"Puis il fientait, pissait, se raclait la gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait, se mouchait en archidiacre…" Les détails triviaux sont-ils seulement là pour nous faire rire (l.11-12)? De quoi font-ils la critique?
 
"Après avoir déjeuné bien comme il faut, il allait à l'église et on lui apportait dans un grand panier un gros bréviaire emmitouflé, pesant tant en graisse qu'en fermoirs et parchemins, onze quintaux six livres, à peu de chose près. Là, il entendait vingt-six ou trente messes." Que nous rappellent les chiffres à propos de Gargantua? Que nous donnent-ils à penser de son éducation?
 
Le ton est-il toujours le même dans les lignes suivantes? Justifiez vote réponse. "Puis il allait aux lieux secrets excréter le produit des digestions naturelles. Là, son précepteur répétait ce qu'on avait lu et lui expliquait les passages les plus obscurs et les plus difficiles".
 
Vocabulaire:
"Il est vain de vouloir vous lever avant le jour". Recopiez cette phrase en remplaçant vain par un synonyme.
Dans les lignes 1 à 4, quel nom désigne les professeurs de Gargantua?
 
 
CHAPITRE 33 
Comment certains gouverneurs de Picrochole, par leur précipitation, le mirent au dernier péril
Les fouaces dérobées, comparurent devant Picrochole le duc de Menuail, le comte Spadassin et le capitaine Merdaille, qui lui dirent: "Sire, aujourd'hui nous faisons de vous le prince le plus valeureux et le plus chevaleresque qui ait jamais été depuis la mort d'Alexandre de Macédoine.
- Couvrez-vous, couvrez-vous, dit Picrochole.
- Grand merci, dirent-ils, Sire, nous ne faisons que notre devoir. Voici ce que nous proposons: Vous laisserez ici quelque capitaine en garnison avec une petite troupe de gens pour garder la place qui nous semble assez forte, tant par nature que grâce aux remparts dus à votre ingéniosité. Vous diviserez votre armée en deux, comme bien vous comprenez. Une partie ira se ruer sur ce Grandgousier et ses gens et il sera, au premier assaut, facilement mis en déroute. Là, vous récupérerez de l'argent en masse, car le vilain a de quoi. Nous disons vilain parce qu'un noble prince n'a jamais un sou. Thésauriser, c'est bon pour un vilain.
"Pendant ce temps, l'autre partie tirera vers l'Aunis, la Saintonge, l'Angoumois et la Gascogne et aussi vers le Périgord, le Médoc et les Landes. Sans rencontrer nulle résistance, ils prendront villes, châteaux et forteresses. A Bayonne, à Saint-Jean-de-Luz et à Fontarabie, vous saisirez tous les navires et, en côtoyant la Galice et le Portugal, vous pillerez toutes les contrées maritimes jusqu'à Lisbonne où vous aurez en renfort tout l'équipage qu'il faut à un conquérant. (…)
Et vous attaquerez les royaumes de Tunis, de Bizerte, d'Alger, de Bône, de Cyrène et toute la Barbarie, hardiment. (…)
- Mais, dit-il, que fait pendant ce temps la moitié de notre armée qui déconfit ce vilain, ce poivrot de Grandgousier?
- Ils ne chôment pas, dirent-ils, nous allons bientôt les rencontrer. Ils vous ont pris la Bretagne, la Normandie, les Flandres, le Hainaut, le Brabant, l'Artois, la Hollande, la Zélande. Ils ont passé le Rhin sur le ventre des Suisses et des Lansquenets. Une partie d'entre eux a soumis le Luxembourg, la Lorraine, la Champagne et la Savoie jusqu'à Lyon. Là, ils ont retrouvé vos garnisons, de retour des conquêtes navales en Méditerranée (…) De là, naviguant sur la Baltique et la mer des Sarmates, ils ont vaincu et dominé la Prusse, la Pologne, la Lituanie, la Russie, la Valachie, la Transylvanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Turquie et les voilà à Constantinople.
Alors Echéphron dit :"Et si par hasard vous n'en reveniez jamais? Le voyage est long et périlleux: n'est-ce pas mieux de se reposer dès à présent, sans nous exposer à ces dangers?
- Oh! dit Spadassin, pardieu, voilà un bel idiot! Allons-nous cacher au coin de la cheminée et passons-y notre temps et notre vie avec les dames, à enfiler des perles(…)  
- Sus! sus! dit Picrochole, qu'on mette tout en train et qui m'aime me suive!"
 
Comprendre
Montrer en quoi Picrochole est un voisin belliqueux.
A quels détails voit-on que les conseillers flattent Picrochole? Reposer-vous sur des superlatifs et une référence historique.
 
Analyser
Analyser la construction des phrases dans les lignes de "Pendant ce temps, l'autre partie tirera vers l'Aunis à "De là, naviguant sur la Baltique et la mer des Sarmates, ils ont vaincu et dominé la Prusse, la Pologne, la Lituanie, la Russie, la Valachie, la Transylvanie, la Hongrie, la Bulgarie, la Turquie et les voilà à Constantinople". Quel est l'effet produit?
 
Interpréter:
Quels défauts caractérisent Picrochole?
En quoi Grandgousier et Picrochole s'opposent-ils?
 
 
 
Chapitre 27
Comment un moine de Seuilly sauva le clos de l'abbaye du sac des ennemis 
 
Celui-ci, entendant le bruit que faisaient les ennemis à travers le clos de leur vigne, sortit pour voir ce qu'ils faisaient. En s'apercevant qu'ils vendangeaient leur clos sur lequel reposait leur boisson pour toute l'année, il s'en retourne au chœur de l'église où se trouvaient les autres moines, tout abasourdis comme fondeurs de cloches, et voyant qu'ils chantaient:"Ini - nim - pe - ne - ne - ne - ne - ne - ne - tum - ne - num - num - ini - i - mi - i - mi - co - o - ne - no - o - o - ne - no - ne - no - no - no - rum - ne - num - num...
- C'est, dit-il, bien chien chanté! Vertu Dieu, que ne chantez-vous:
Adieu paniers, vendanges sont faites?
"Je me donne au diable s'ils ne sont pas dans notre clos à couper si bien ceps et raisins que, par le corps Dieu, il n'y aura de quatre années rien à grappiller dedans. Ventre saint Jacques, que boirons-nous pendant ce temps-là, nous autres pauvres diables? Seigneur Dieu, donnez-nous notre vin quotidien!"
Alors le prieur claustral dit: "Que peut bien faire cet ivrogne ici? Qu'on me le mène au cachot. Troubler ainsi le service divin!
- Oui, mais le service du vin, dit le moine, faisons en sorte qu'il ne soit pas troublé(…)
"Ecoutez, Messieurs, vous autres qui aimez le vin. Par le corps Dieu, suivez-moi!
(…)
Ce disant, il mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix, qui était en cœur de cormier, long comme une lance, remplissant bien la main et quelque peu semé de fleurs de lys, presque toutes effacées. Il sortit ainsi, en beau sarrau, mit son froc en écharpe et, avec son bâton de croix, frappa si brutalement sur les ennemis qui vendangeaient à travers le clos, sans ordre, sans enseigne, sans trompette ni tambour: car les porte-drapeau et les porte-enseigne avaient laissé leurs drapeaux et leurs enseignes le long des murs, les tambours avaient défoncé leurs caisses d'un côté pour les emplir de raisins, les trompettes étaient chargés de pampres, c'était la débandade; il les cogna donc si roidement, sans crier gare, qu'il les culbutait comme porcs, en frappant à tort et à travers, comme les anciens s'escrimaient.
Aux uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, meurtrissait les jambes, déboitait les fémurs, débezillait les membres. (…)

Et si quelqu'un se trouvait suffisamment flambant de témérité pour vouloir lui résister en face, c'est alors qu'il montrait la force de ses muscles, car il lui transperçait la poitrine à travers le médiastin et le cœur. A d'autres, qu'il frappait au défaut des côtes, il retournait l'estomac et ils en mouraient sur-le-champ. A d'autres, il crevait si violemment le nombril, qu'il leur en faisait sortir les tripes. A d'autres, il perçait le boyau du cul entre les couilles. Croyez bien que c'était le plus horrible spectacle qu'on ait jamais vu.
 
 
Comprendre:
Qu'est-ce qui met frère Jean des Entommeures en colère?
Avec quelles armes se bat-il?
En quoi le choix de ces armes est-il comique?
Quel effet le récit de ce combat vous fait-il? Pourquoi?
Analyser:
Relevez, dans le dialogue, les différents éléments comiques: jurons, charabia, jeu de mots, parodie.
 
Passage: "Aux uns, il écrabouillait la cervelle,…" à " A d'autres, il crevait si violemment le nombril, qu'il leur en faisait sortir les tripes." 
Relevez tous les termes évoquant une partie du corps: quels éléments de l'anatomie sont passés en revue? L'ensemble du corps mais surtout l'appareil gastrique
Parmi ces termes, lesquels appartiennent au domaine médical? Lesquels à un niveau de langue familier?
Quel est l'effet produit par ce mélange?

Comment les différentes propositions de la phrase ("Aux uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, meurtrissait les jambes, déboitait les fémurs, débezillait les membres.") s'enchainent-elles?
Quel est l'effet produit sur le rythme du récit?
 
Interpréter
Quelle sorte de récit guerrier recourt d'ordinaire à ce luxe de détails et à ce rythme?
Ici, en quoi le ton est-il différent?
En quoi frère Jean se distingue-t-il des autres moines?
Quelle critique est ainsi adressée aux moines?
Quels sont les points communs entre frère Jean et Grandgousier?



CHAPITRE 36
Comment Gargantua démolit le château du gué de Vède, et comment ils passèrent le gué
Quand il fut revenu, il raconta dans quelle situation il avait trouvé les ennemis et le stratagème qu'il avait employé pour venir, seul, à bout de toute la troupe, affirmant que ce n'étaient que des marauds, des pillards et des brigands, ignorants de toute discipline militaire. Il fallait se mettre en route hardiment, car ce serait très facile de les assommer comme bestiaux.
Alors Gargantua monta sur sa grande jument, escorté comme il est dit plus haut, et, trouvant sur son chemin un arbre grand et haut (on l'appelait généralement l'arbre de saint Martin, parce que c'est un bourdon que saint Martin avait planté jadis et qui avait crû de la sorte), il dit: "Voici ce qu'il me fallait; cet arbre me servira de bourdon et de lance. "Et il l'arracha de terre facilement, en ôta les rameaux et le décora pour son plaisir.
Sur ces entrefaites, sa jument pissa pour se relâcher le ventre, mais ce fut si copieusement qu'elle en fit sept lieues de déluge. Tout le pissat descendit au gué de Vede et l'enfla tellement au fil du courant que toute notre bande d'ennemis fut horriblement noyée, à l'exception de quelques-uns qui avaient pris le chemin à gauche, vers les coteaux.
(…)
CHAPITRE 46 
Comment Grandgousier traita humainement Toucquedillon prisonnier
Toucquedillon fut présenté à Grandgousier qui l'interrogea sur les desseins et les menées de Picrochole et lui demanda à quoi tendait cette retentissante agression. A cela, il répondit que son but et sa vocation étaient de conquérir tout le pays, s'il le pouvait, pour prix de l'injustice faite à ses fouaciers.
"C'est trop d'ambition, dit Grandgousier: qui trop embrasse mal étreint. Le temps n'est plus de conquérir ainsi les royaumes en causant du tort à son prochain, à son frère chrétien. Imiter ainsi Hercule, Alexandre, Annibal, Scipion, César et autres conquérants antiques est incompatible avec le fait de professer l'Evangile, qui nous commande de garder, de sauver, de régir et d'administrer nos propres terres et non d'envahir celles des autres avec des intentions belliqueuses; ce que jadis les Sarrasins et les Barbares appelaient des prouesses, nous l'appelons maintenant brigandage et sauvagerie. Picrochole eût mieux fait de rester en ses domaines et de les gouverner en roi, que de venir faire violence aux miens et de les piller en ennemi. Bien gouverner les eût enrichis, me piller les détruira.
"Allez-vous-en, au nom de Dieu, suivez une bonne voie: faites remarquer à votre roi les erreurs que vous décèlerez et ne le conseillez jamais en fonction de votre propre profit, car la perte des biens communs ne va pas sans celle des biens particuliers. Pour ce qui est de votre rançon, je vous en fais don entièrement, et à ma volonté on vous rendra vos armes et votre cheval.
(…)
Chapitre 51
Comment les Gargantuistes vainqueurs furent récompensés après la bataille
En les voyant arriver, le bonhomme fut si joyeux qu'il serait impossible de le décrire. Il leur fit alors préparer le festin le plus magnifique, le plus copieux et le plus délicieux que l'on ait vu depuis le temps du roi Assuérus. En sortant de table il distribua entre tous la garniture complète de son buffet; elle pesait un million huit cent mille quatorze besants d'or en grands vases à l'antique, grands pots, grands bassins, grandes tasses, coupes, pichets, candélabres, jattes, nefs, jardinières, drageoirs et autre vaisselle de même type, toute en or massif, sans parler des pierreries, émaux et ciselures qui de l'avis de tous avaient plus de prix que la matière des objets. De plus, il fit compter à chacun un million deux cent mille écus sonnants et trébuchants, pris à ses coffres; de surcroît, il donna à chacun d'eux, à titre perpétuel (sauf s'ils mouraient sans héritiers), des châteaux et des terres du voisinage selon leur convenance: à Ponocrates il donna la Roche-Clermault, à Gymnaste Le Coudray, à Eudémon Montpensier, Le Riveau à Tolmère, à Ithybole Montsoreau, à Acamas Candes, Varennes à Chironacte, Gravot à Sébaste, Quinquenays à Alexandre, Ligré à Sophrone et fit de même pour ses autres possessions.
Comment Gargantua fit bâtir pour le moine l'abbaye de Thélème 
 
 
 

 
 

samedi 8 juin 2013

Registre bucolique

Les registres désignent l’atmosphère, le ton d’une fiction organisée par l’auteur. Cela permet à ce dernier de susciter, de déclencher une certaine émotion chez le lecteur ou le spectateur. On parle également de tonalité ou de ton pour évoquer le registre. Une œuvre peut contenir plusieurs registres.
Attention, ne pas confondre le registre d’une œuvre et le registre de langue(soutenu, familier, courant)


Exemple musical: Peer Gynt suite n°1 





Exemple littéraire:
Mélibée
Tityre, couché sous le dôme d'un vaste hêtre, tu essaies un air sylvestre sur ton léger pipeau; et nous, nous quittons le sol de notre patrie et nos doux champs; nous fuyons notre patrie; toi, tityre, étendu à l'ombre, tu apprends aux forêts à répéter le nom de la belle Amaryllis.
                                                                                      Virgile, Les Bucoliques
  Exemple pictural:
Les bergers d'Arcadie de N. Poussin